Charles Bradley
(1902 - 1979)
Découvre de l'effet des psychostimulants en 1937
En 1889, le Dr T.S. Clouston fit l’hypothèse que les comportements hyperactifs et émotifs de certains enfants était dus à des neurones trop actifs dans les cortex cérébral. Les sels de bromure étaient donc conseillés pour ralentir l’activité de ces neurones.
En 1937, Charles Bradley découvrit que les psychostimulants étaient plus efficaces, faisant prendre un virage important à la psychopharmacologie [1, 2].
Georges et Helen Bradley avaient eu une fille, Emma, atteinte d’encéphalite à l’âge de 7 ans avec de lourdes séquelles : épilepsie, retard mental et paralysie cérébrale. Georges Bradley (1846 – 1906) était un homme d’affaire avisé qui avait été le mécène de Graham Bell, l’inventeur du téléphone. Dans son testament, il demandait que Baton House, la maison de vacances à Providence, soit transformée en lieu de soins pour les enfants. Ce fut le premier hôpital neuropsychiatrique pour enfants des Etats-Unis. En 1929, les exécuteurs testamentaires vendirent la maison sur Eaton Street pour faire construire un autre établissement sur Barrington Parkway. Aujourd’hui, ce lieu est connu sous le nom de Emma Pendleton Bradley Hospital (1011 Veterans Memorial Parkway, Riverside, RI).
Conformément aux dernières volontés de Georges Bradley, l’institution ouvrit ses portes en 1931 pour accueillir les enfants nécessiteux de Rhode Island, les familles n’étant facturées que si elles avaient les moyens de payer. En 1932, le petit-neveu de Georges Bradley, Charles Bradley rejoignit l’équipe médicale dont il prit la direction quelques temps plus tard.
Il utilisa la benzédrine pour soulager les céphalées post-pneumoencéphalographie avec l’idée que cette molécule stimulait la production de liquide céphalo-rachidien par les plexus choroïdes. Charles Bradley observa "un changement spectaculaire du comportement" de 14 des 30 enfants de l’institution dans laquelle il travaillait, ainsi qu’une "amélioration remarquable des performances scolaires" pendant la semaine où il leur a administré de la benzédrine ([1], p.582). Il s’agit là de la plus importante découverte thérapeutique en psychiatrie [2,3]. Plus tard, lui et ses collaborateurs établiront les bénéfices des psychostimulants dans le TDAH (le trouble ne portait pas ce nom à l’époque).
Surpris par sa propre découverte, Bradley n’en chercha pas moins une explication scientifique. Il écrit : "It should be borne in mind, however, that portions of the higher levels of the central nervous system have inhibition as their function, and that stimulation of these portions might indeed produce the clinical picture of reduced activity though increased voluntary control" [Il faut garder à l’esprit néanmoins que certaines zones les plus élevées dans le système nerveux central ont pour fonction l’inhibition, and que la stimulation de ces zones peut effectivement produit l’image clinique d’une réduction d’activité via une augmentation du contrôle volontaire ] ([1], p.582).
Plus tard, il identifia les enfants qui tireraient a priori un bénéfice d’un traitement par benzédrine comme ceux présentant "un faible empan attentionnel, une dyscalculie, une labilité émotionnelle, une hyperactivité, une impulsivité et une mauvaise mémoire" [4].
En 1948, Charles Bradley quitta la Emma Pendleton Bradley Home pour l’École de Médecine de l’Université de l’Oregon pour fonder un service de psychiatrie infantile. Tenant de l’idée que les traitements psychologiques n’étaient pas efficaces dans la plupart des troubles psychiatriques chez l’enfant, il voulut ainsi développer la formation des médecins à la psychiatrie de l’enfant. La même année, Georges Heuyer (1884-1977) inaugurait la première Chaire de psychiatrie de l’enfant créée à Paris ; il est considéré comme le fondateur de psychiatrie de l’enfant en France.
Malgré une publication dans l’American Journal of Psychiatrie, la découverte de Charles Bradley ne rencontrera pas d’écho. Ses travaux seront "redécouverts" après la synthèse du méthylphénidate par Leandro Panizzon en Suisse en 1944 et sa mise sur le marché dans les années 1960.
RÉFÉRENCES
[1] Bradley C (1937) "The Behavior of children receiving benzedrine". The American Journal of Psychiatry, 94:577-585
[2] Gross MD (1995) "Origin of stimulant use for treatment of attention deficit disorder [letter]". The American Journal of Psychiatry, 152:298-299
[3] Brown WA (1998) "Charles Bradley, M.D., 1902-1979". The American Journal of Psychiatry, 155:968
[4] Conners CK (2000) "Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder : historical development and overview". Journal of Attention Disorders, 3:173-191